17 mai 2010

"Le Club des Incorrigibles Optimistes" - Jean-Michel Guenassia

De retour après un long silence : j’ai d’abord terminé un recueil de nouvelles de Gérard de Nerval pour me plonger très rapidement dans « Le Club des Incorrigibles Optimistes » : un petit pavé qui n’a de repoussant au premier abord que son nombre de pages : 736. Repoussant ? Oui car 736 pages c’est lourd et c’est moins facilement transportable...


Paris, 1959, Michel Marini fête ses 12 ans entouré de sa famille : ses parents, ses grands-parents, ses oncles et tantes. Ses parents sont issus de milieux forts différents : son père, fils de cheminot a épousé la fille du patron : Hélène Delaunay. D’un côté des communistes et de l’autre des gaullistes, soit une véritable boîte de Pétri dans laquelle peu à peu le héros du récit va se construire.


Fan de baby-foot, auquel il joue dans un bistro après le collège, il y rencontre «Le Club des Incorrigibles Optimistes» composé d’une série d’immigrés du bloc de l’Est ayant fui le communisme pour diverses raisons. Certains ont fui une idéologie politique, d’autres un régime sans abandonner leurs convictions politiques et tous se retrouvent vivotant dans des galetas miséreux tentant d’obtenir le césame absolu : un droit de séjour en France.


Michel grandit au contact de ces écorchés vifs qui malgré les épreuves traversées, l’abandon de leur famille, leur situation de misère mettent un point d’honneur à rester optimistes. Il se retrouvent tous ensemble dans le bistro pour disputer une partie d’échec, discuter de la politique, lire le Canard Enchaîné, en compagnie de Jean-Paul Sartre, de Joseph Kessel qui traînent de temps à autre au Club et des habitués des lieux.


L’action se situe donc dans le Paris des années 60 : la France s’empêtre dans la guerre d’Algérie, le Général est au pouvoir et dirige le pays en « bon père de famille » : peu à peu la jeunesse s’émancipe et l’on voit poindre les prémices de mai 68. Celui qui a lu « Bienvenue au Club » de Jonathan Coe où il est conté la vie d’une bande d’adolescents dans l’Angleterre des seventies pourra faire une sorte de parallèle avec le récit.


La plus grande qualité de ce roman est que le narrateur (Michel) raconte son histoire en 1980 avec la maturité d’un adulte, contrairement au roman « Les autres » d’Alice Ferney qui prête à ses personnages des dialogues trop élaborés pour leur âge, Guenassia évite intelligemment cette lourdeur.


L’auteur retrace en outre parfaitement le cheminement d’un adolescent : sa découverte du monde, ses idéaux, la perte du modèle parental, la découverte de la mesquinerie humaine, la formation politique, les émotions exacerbées et ce tout en douceur... Un véritable miracle car qui se souvient encore parfaitement de son adolescence ?


Bref 736 pages qui se lisent en très peu de temps, permettant de se plonger dans une époque bien révolue, avec délectation.


Jean-Michel Guenassia
Le Club des Incorrigibles Optimistes

11 avril 2010

"Malavita encore" - Tonino Benacquista

Mazenc en Provence : on retrouve la famille Manzoni originaire de New-York. Ils ont comme nom de famille officiel "Wayne". Avant, alors qu'ils habitaient en Normandie, c'était "Blake" leur nom de famille (voir du même auteur "Malavita"). Pourquoi changer de nom ? Parce que les Manzoni font partie du programme de protection des témoins du FBI. Capo repenti de la mafia new-yorkaise "La Cosa Nostra", Gianni (Fred Wayne) a témoigné contre ses pairs et sa tête a été mise à prix pour plus de 20.000.000 de dollars.

Le problème c'est que Fred Wayne est un véritable idiot doublé d'un égoïste. Il a mis toute sa famille par terre et ne s'en rend absolument pas compte. Il multiplie erreurs et bêtises donnant de nombreuses sueurs froides à Tom Quint, l'agent chargé de sa protection. Tout a commencé quand Fred s'est improvisé écrivain - il s'ennuie ferme dans ce village français - et voulu publier un roman expliquant en long et en large les méthodes de La Cosa Nostra. Ensuite, tout s'est enchaîné dans sa vie comme dans celle de sa famille.

Drôle, bien écrit, sans longueur, ce roman noir est parfait à mes yeux... J'avais beaucoup de mal à le lâcher. Sur l'échelle de l'idiotie et de l'égoïsme, Fred est à 150 sur 100 et les situations qui en découlent sont hilarantes. A côté de l'histoire du capo repenti, on suit celle de son épouse, de son fils et de sa fille qui tentent tant bien que mal de vivre une vie normale et doivent composer avec leur père qui n'arrive pas à se faire à une "vie normale".

Sorti en 2008, j'attendais que ce romain sorte enfin en Poche. C'est fait.

Vous passerez un excellent moment de lecture !

Tonino Benacquista
"Malavita encore"

05 avril 2010

"Le Scaphandre et le Papillon" - Jean-Dominique Bauby

L'histoire vraie d'un homme atteint du Locked-in-Syndrom (LIS).
Le 8 décembre 1995, la vie de Bauby bascule : victime d'un accident cardio-vasculaire, il se retrouve enfermé dans son corps, totalement paralysé, avec désormais comme seul et unique moyen de communication une paupière. Hospitalisé à Berck-sur-Mer, il va dicter petit à petit son récit à Claude qui épelle l'alphabet lettre par lettre.
J'avais envie de lire ce récit de vie depuis longtemps déjà et puis le 18 janvier dernier, une de mes amies a tristement rejoint la petite communauté des LIS. Alors, ce livre s'est un peu imposé à moi.
128 pages pour se rendre compte de la vie d'un LIS vue de l'intérieur. Bauby est tour à tour résigné, révolté, triste, heureux. Il raconte ses souvenirs : sa vie d'avant, sa vie de maintenant, les surnoms qu'il a donné au personnel soignant et qu'il garde pour lui seul, le regard des autres, le regard de ses proches.
La qualité du récit et de l'écriture dévoile un travail titanesque. Confronté à la difficulté et à la lenteur de la communication Bauby livre un récit absolument poignant, simple et vrai.
Un petit livre dont on sort grandi.
PS : Amis de Caroline, je peux vous le prêter.
Et pour aller plus loin :
Un second récit, porteur d'espoir, quelque peu plus pragmatique :

29 mars 2010

Alice Ferney - Les autres

Pour l'anniversaire de son fils cadet Théo, Moussia a réuni la famille et quelques amis. Niels, le frère aîné arrive avec un jeu de société dont le but est de mieux se connaître. Une sorte de "Scrupules" pour ceux qui connaissent. Théo déteste les jeux de société et se méfie de Niels. Quelle idée a-t-il derrière la tête ?

Tous les participants ont un secret, une blessure qu'ils cachent au fond d'eux. Le jeux va petit à petit les amener à se dévoiler. Très vite, tous se rendent compte que l'image que les autres ont d'eux est souvent loin de celle qu'ils pensent donner.

Ce roman fait état de nombreuses vérités et la manière dont il est construit est vraiment intéressante : découpé en trois parties, chacune relatant l'histoire d'un point de vue différent : les pensées de chacun au cours du jeu, le dialogue pendant le jeu et enfin, le jeu et ses participants observés par un narrateur.

Ce qui m'a plu dans "Les Autres", c'est la première partie, savoir une lecture à livre ouvert dans les pensées des participants. L'auteur semble s'être personnellement impliquée dans chacune des situations qui sont souvent criantes de vérités. Le sentiment y est brut, bien décrit et le fil de l'histoire se retrouve très facilement aux travers des divagations, vexations et vérités de chacun des protagonistes.

Par contre, j'ai réellement eu l'impression de me retrouver derrière un "Dawson" littéraire. Souvenez-vous de cette série qui prêtait à des ados de 16 ans des dialogues relativement matures pour leur âge. Tous les participants ont une vingtaine d'années; l'aîné des enfants n'a pas plus de 23 ans et l'auteur leur prête une maturité étonnante. Le message du roman n'est pas faux, mais il me semble que les personnages n'ont pas l'âge requis pour le véhiculer. Parce qu'à 20 ans, la vie paraît beaucoup plus simple qu'elle ne l'est aujourd'hui.

J'ai plusieurs fois voulu abandonner le récit, mais j'ai persévéré. Au final, je ne le regrette pas.

J'ai découvert l'auteur aux travers d'un merveilleux roman : "Grâce et Dénuement" que je ne peux que vous conseiller. J'ai continué avec "Dans la guerre" contant l'histoire d'amour entre un homme et son chien au cours de la première guerre mondiale et enfin, me suis arrêté dernièrement sur "Les Autres". Notez qu'elle vient de sortir "Paradis conjugal", que je n'ai pas lu.

Alice Ferney
"Les Autres"

06 mars 2010

Marguerite Yourcenar - Alexis ou le Traité du Vain Combat (et Le Coup de Grâce)

Puis je déjà m'attaquer à la grande Marguerite Yourcenar ? Après avoir lu il y a environ une année "Les mémoires d'Hadrien", je m'étais senti attiré par le titre d'un de ses textes datant de 1929 : "Alexis ou le Traité du Vain Combat". C'est donc tout naturellement que mon bras s'est tendu vers l'exemplaire en format de poche qui s'est présenté à moi au cours d'une de mes trop rares pérégrinations chez UOPC.

Je m'étais renseigné sur le texte auparavant. Il s'agit d'une longue lettre écrite par un mari à son épouse, dans laquelle il lui explique le vain combat qu'il a tenté de mener depuis toujours : l'acceptation de son homosexualité. Alexis décrit sa vie depuis son enfance et détaille ses sentiments à chacune des étapes franchies. Jamais les mots ne dérapent : sa lettre est écrite tout en finesse. Il s'agit d'un coming-out "en dentelle" qui est lu avec plaisir tant le texte et les mots glissent facilement.


"Je ne vois pas pourquoi le plaisir serait méprisable de n'être qu'une sensation, puisqu'on ne méprise pas la douleur et que la douleur en est une. On respecte la douleur, parce qu'elle n'est pas volontaire, mais c'est une question de savoir si le plaisir l'est toujours, et si nous ne le subissons pas."

Je ne peux que vous conseiller ce texte pour occuper vos longues soirées d'hiver au coin du feu. Vous le dégusterez comme un vieux porto retrouvé au fin fond de votre cave à vin : avec un délicieux petit arrière goût indescriptible

Et pour terminer :
Mon édition (Folio 1041) contient aussi le texte "Le Coup de Grâce". Ce texte relate un trio amoureux sur fond de guerre. Psychologiquement très prenant, il est très différent d'"Alexis et le Traité du Vain Combat". D'autres combats sont menés : des combats physiques et un combat amoureux. A lire aussi !


Marguerite Yourcenar
"Alexis ou le Traité du Vain Combat" - "Le Coup de Grâce"


13 février 2010

Laurent Gaudé - "Le soleil des Scorta"

Plus j'avançais dans sa lecture, plus j'étais impatient de vous en parler : je l’ai dévoré. Je m’y suis tant plongé que même mon estomac s’y est identifié.


La dynastie des Scorta : une famille dont le destin est inexorablement lié au village de Montepuccio dans les Pouilles en Italie (le talon de la botte). Tour à tour considérés comme parias et condamnés à l’exil, puis intégrés, les Scorta semblent condamnés aux malheurs.

Au fil des épreuves, la famille s’accroche, se tient et l’on découvre la vie d’un village reculé d’Italie au travers du regard de Domenico, Giuseppe, Raffaele et Carmela.

Quel plaisir ce roman : dès les premières pages, on se sent transporté en Italie et écrasé par le cagnard qui semble caractériser la région celui qui est tellement fort que « même les lézards doivent suer » pour paraphraser l’auteur.

La vie du village, la méchanceté due à l’ignorance, les vieilles croyances, la contrebande, la rapine... Toute une ambiance dans laquelle on est plongée. Pour un peu, on entendrait l’accent italien dans chaque dialogue. On s’imagine les veuves toutes de noir vêtues, les petits vieux attablés à la terrasse d’un café en train de taper la carte et se disputer bruyamment les points. On salive dans la description de leurs agapes : on sent le goût chaleureux de l’huile d’olive nous emplir le palais, la texture des coquillages sur la langue et la lente descente des pâtes vers notre estomac. (Ce midi, en pleine lecture, j’ai eu besoin de pain à l’ail...), on sent la fumée âcre des cigarettes nous chatouiller le nez.

Le fil conducteur de l’histoire est parfait, la structure légère, sans lenteurs, sans longueurs. Que vous lisiez ce roman dans le fond de votre lit avant de vous endormir ou pendant un repas solitaire, il ne lasse jamais. Si vous avez l’excellente idée de le lire comme moi dans votre appartement peu chauffé, quand vous le terminerez, vous frissonnerez : un peu comme si l’avion vous ramenait d’un pays envoûtant.

Le roman dégage en outre un message que chacun de vous pourra juger selon ses convictions.

En tout état de cause, si vous avez froid, si vous ne savez pas quoi lire, si vous ne voulez pas lire quelque chose de long : foncez !


PS : Est-il utile de vous préciser que ce roman s'est fait "goncouriser" en 2004 ?


Laurent Gaudé

Le Soleil des Scorta

12 février 2010

Françoise Xénakis - "J'aurais dû épouser Marcel"

Retour dans la Sologne rurale du début du vingtième siècle où l'auteur met en scène les "veuves blanches", statut de ces jeunes fiancées dont les noces n'ont jamais pu être célébrées car leur "bon ami" n'est jamais revenu des champs de batailles.

La Sologne leur a otroyé le statut de "veuves blanches". Ces jeunes filles condamnées par les convenances à devenir vieilles filles vivent dans des maisonnettes octroyées par les mairies, jouissent d'une petite pension, profitent des œuvres charitables de l'aristocratie locale et visiblement, tournent toutes un peu casaques... Soit c'est propre à leur statut, soit c'est la région qui veut ça.

J'ai découvert l'auteur Françoise Xenakis interviewée par Laurent Ruquier et ses chroniqueurs sur Europe 1. Je ne la connaissais pas et son passage radiophonique ne m'avait pas laissé une impression fantastique. Cependant, quelques temps plus tard, j'ai retrouvé en librairie le roman pour lequel elle se vendait et me suis laissé tenter.

A nouveau, je l'ai commencé dans une salle d'attente... et je l'ai terminé dans une salle d'attente. Existe-t-il un type de roman "salle d'attente" tout comme il existe le roman de gare ? Je ne sais pas, mais toujours est-il que "J'aurai dû épouser Marcel" est parfait pour passer le temps. A nouveau, ce n'est pas un chef d'œuvre textuel et l'histoire manque parfois de consistance et de structure.

Le ton employé est amusant, bien que parfois forcé. On a quelque peu l'impression de voir "la parisienne" se pencher sur la campagne et caricaturer le trait. Pour vous donner un exemple, on a aucun mal à imaginer l'une des héroïnes bien épaisse avec son gros rouge qui tâche, dans sa cuisine en train de regarder sa télévision d'un autre âge.

Bref, 19,65-€ pour lire dans trois salles d'attentes, c'est un peu cher... Mais au moins le temps passe plus vite.


Françoise XENAKIS

"J'aurais dû épouser Marcel"