12 avril 2009

Parce qu'il faut le dire...

Profitant de ce week-end Pascal, je suis rentré chez mes parents. Personne n'étant à la maison, j'ai eu le loisir de lire les journaux et de regarder quelque peu la télévision.

Il y a longtemps que je voulais faire un billet sur notre système social. La difficulté de ne pas tomber dans les clichés est grande. Je veux à tout prix éviter de plonger dans celui du "chômeur qui profite du système et qui ne sait rien faire de ses journées". Certes il existe, mais à mon sens, il n'est que l'arbre qui cache la forêt.

Je n'ai pas à ma disposition d'enquêtes scientifiques. Ce qui suit n'est qu'un avis basé sur une série empirique d'éléments qui se sont déroulés sous mes yeux.

Ce qui me pousse à mettre mon blog à jour avec ce sujet un peu plus grave - et qui je le sais pertinemment ne sera sans pas lu entièrement par une majorité d'entre-vous - sont deux reportages diffusés par la télévision française.

Le premier reportage, diffusé par "Envoyé spécial" montrait une série de fonctionnaires n'arrivant pas à boucler leurs fins de mois. L'un des intervenants était un jeune policier, père de famille (recomposée) qui ne parvenait plus à remplir le frigo dès le onze du mois. Le second reportage diffusé par "90 minutes d'enquêtes" montrait quant à lui une jeune mère de famille de 32 ans, divorcée, avec trois jeunes enfants à charge. Après une comptabilité relativement précise, elle démontrait qu'il ne lui restait que 530-€ par mois pour nourrir sa famille au mois de décembre. 4,20-€ par jour par personne. S'il n'en était pas fait état dans le reportage, il est semblait clair que ses trois enfants ne recevraient rien pour la Noël.

Notre Etat offre actuellement une série d’aides, par le biais d’allocations financières spécifiques ou de propositions de formations professionnelles qualifiantes débouchant sur un emploi. Pourtant, cela ne semble pas suffisant. Nous ne pouvons pas tout demander à l’Etat.

Elevé dans un milieu bourgeois comme la plupart de ceux qui me lisent, dans lequel la formation et l’ambition personnelle et sociale étaient élevées en maître, dès mon plus jeune âge, j’ai été poussé par mes parents à tout faire pour me sortir seul de situations compliquées, avec bien entendu leurs conseils avisés en la matière. Je me rends compte aujourd’hui que ma formation universitaire m’a ouvert énormément de possibilités et m’a permis de poser un regard différent sur le monde qui nous entoure. C’est d’ailleurs le cas de la plupart de mes amis.

Sans vouloir me différencier à tout prix des autres, j’ai eu l’énorme chance de n’avoir jamais fait partie d’une de ces écoles devant lesquelles il faut camper pour pouvoir inscrire son enfant. J’étais à l’école primaire de la petite ville d’à côté et à l’école secondaire de la grande ville d’à côté. Une grande partie de mes amis venait du milieu ouvrier, et j’ai passé ainsi de nombreuses heures à jouer chez eux.

Tous mes collègues sont issus du milieu ouvrier. Ils en sont fiers et j’en suis fier. Quand je discute avec eux, ils n’hésitent jamais à m’expliquer leur point de vue sur l’une ou l’autre situation sociale qui est vécue, et ont un grand respect de mon point de vue, souvent différent.

En discutant avec différentes personnes de mon « milieu bourgeois », je me rends compte que cette expérience m’a permis bien malgré moi, de comprendre un peu mieux la mentalité ouvrière, me permet de réfléchir à leur manière à l’inverse de beaucoup qui voient le tout d’un point de vue extérieur avec leurs yeux « universitaires » (sensu lato).

La question de la perte d’emploi et des allocations de chômage est un sujet qui donne lieu à des échanges passionnants. Nous avons tous l’impression que le chômage ne sert quasiment qu’à des profiteurs voire des gens qui refusent de changer. Ils perdent leur emploi et puis chôment. Sans chercher à changer. Le changement est une dure épreuve, passé un certain âge.

Je reste convaincu que pour une large catégorie de personnes notre système social est nécessaire.

Je prends un exemple simple. La faillite de la faïencerie « Royal Boch » à La Louvière. Si pour la plupart d’entre-vous il ne s’agit que d’une usine « à tasse » et qu’Ikéa fait aussi beau et moins cher, vous devez savoir qu’il s’agit d’un fleuron de notre histoire industrielle. Aux XIXème et XXème siècles cette usine était avec les charbonnages et l’aciérie Boël l’une des plus grosses usines de la région. De faillites en reprises successives, il ne reste aujourd’hui que 47 ouvriers qui vont sans doute perdre leur emploi. Que vont-ils faire ? Grossir les rangs du chômage ?

Les chômeurs et autres allocataires sociaux : une catégorie bien à part. Combien de fois n’avons nous pas entendu « ils n’ont qu’à se recycler ». A 45 ans, se recycler ? Quand on travaille depuis ses 14 ans ? A dix ans de la pré-pension ? Quand on a donné toute sa vie dans un travail, peut-être ingrat, peut-être facile, je trouve qu’il est tout à fait légitime que l’on ait des difficultés à se recycler. Et puis se recycler dans quoi ?

Beaucoup de ses gens n’ont pas de formation professionnelle spécifique. Leur métier, ils l’ont appris sur le tas. Quand vous êtes chargé de mouler des assiettes on ne peut pas vous demander sans une formation adéquate de monter un mur sur un chantier.

Pour se recycler, il faut se former et ce de manière qualifiante, dans une branche qui est demandeuse d’emploi. Laquelle ? Les progrès techniques constants ont donné lieu à un besoin moins élevé de main d’œuvre peu qualifiée. Il faut de plus en plus des diplômes techniques spécifiques et poussés. Quand je parle de formation qualifiante, je ne parle pas d’études supérieures qui en réalité devraient être suivies, je parle de formations organisées par des organismes tels le FOREM etc.

Je ne peux que comprendre un refus net de la part de ces personnes.

Pourquoi ? Reprendre le chemin de l’école : certains le feront. Mais le problème c’est qu’ils devront continuer à subvenir aux besoins de leur famille. Comment ? Seul le FOREM permet de se recycler tout en percevant des allocations financières. Malheureusement, j’ai l’impression que ces formations ne sont pas toujours suffisantes.

Ou trouver un nouvel emploi ? Réponse : ailleurs. Il est clair que le bassin houiller n’offre plus tellement de propositions. Bouger avec famille, armes et bagages ? Au prix de combien de sacrifices ? Perdre ses racines, ses amis, sa maison achetée au prix de gros efforts ? Qui le voudrait ? Certes, nécessité fait loi… mais projetez-vous dans plusieurs années, dans la même situation. Une telle décision ne se prend pas à la légère.

Depuis le début de mes études, et plus particulièrement encore depuis les « affaires » à Charleroi, j’entends des critiques s’élever, des jugements non-fondés sur Charleroi, Mons et La Louvière, voire le Hainaut en général : « tous des chômeurs », « ils ne savent que profiter », « ils ne savent pas changer. » J’en ai marre. Les gens qui tiennent ce type de discours ne savent certainement pas de quoi ils parlent. J’espère de tout cœur que jamais ils ne se retrouveront dans pareille situation.

Alors oui, il y a des barakis, des socialistes véreux, des profiteurs de tout poils. Peu importe le milieu social : il y aura toujours des gens foncièrement mauvais et paresseux. Mais pour ce faible pourcentage, combien se retrouvent réellement en difficulté et pour qui même le système social belge ne suffit plus ? La paupérisation constance du milieu ouvrier est absolument alarmante et aucune recette miracle n’a été trouvée.

Pendant toutes nos années universitaires, on nous a répété que nous étions l’avenir de notre terre. Maintenant que nous sommes formés, il est peut-être temps d’agir et de faire preuve d’encore plus d’ouverture d’esprit, non ?

Et le premier qui me traite de socialiste je le descends en flèche… parce qu’il n’aura rien compris !